Élaborer des politiques qui aident à assurer la résilience et à accroître la sécurité alimentaire en Afrique

February 14, 2018

Ousmane Badiane, Directeur pour l’Afrique à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, à Washington, aux Etats-Unis
La mission de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI, selon le sigle en anglais), est de fournir des solutions politiques fondées sur la recherche qui réduisent durablement la pauvreté et fassent cesser la faim et la malnutrition. L’un des principaux défis auxquels sont confrontés les efforts actuels et futurs pour parvenir à la sécurité alimentaire est le changement climatique, qui affecte déjà l’agriculture et les systèmes alimentaires dans le monde entier et en particulier dans les zones vulnérables. L’IFPRI cherche à identifier des actions et des politiques favorables à la résilience et à l’accroissement de la sécurité alimentaire dans le contexte du changement climatique et des contraintes croissantes sur la production agricole. L’une de nos stratégies consiste à apporter des fondements scientifiques à une « agriculture intelligente face au climat », approche qui vise à combiner l’augmentation de la production avec une meilleure adaptation aux effets du changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les bureaux régionaux de l’IFPRI en Afrique soutiennent le Système régional d’analyse stratégique et de soutien des connaissances (ReSAKSS), qui fournit des éléments scientifiques et participe au renforcement des capacités, et qui promeut des processus commun d’évaluation à l’appui des initiatives de développement agricole de l’Afrique. ReSAKSS publie un Rapport annuel sur les tendances et les perspectives (ATOR), qui contient des indicateurs de développement agricole en Afrique et examine des sujets importants pour l’agriculture africaine. L’ATOR le plus récent, publié en octobre 2017, passe en revue l’état actuel des connaissances quant aux effets du changement climatique sur l’agriculture africaine et la sécurité alimentaire, et le potentiel d’une agriculture intelligente face au climat pour contrer les effets négatifs du changement climatique.
Le chapitre 2 du rapport utilise le Modèle international pour l’analyse des politiques agricoles et commerciales, mis au point par la division Technologie de l’environnement et de la production de l’IFPRI, pour analyser l’avenir probable de la production, du commerce et de la faim, et les impacts du changement climatique. Les auteurs prédisent que la production de céréales et d’autres cultures en Afrique sera inférieure de 7 à 13% d’ici 2050 à ce qu’elle serait en l’absence de changement climatique. Le nombre de personnes menacées par la faim devrait diminuer de 9% en Afrique d’ici à 2050, réduction décevante par rapport à la réduction estimée de 27% en l’absence de changement climatique. Toutefois, les recherches suggèrent que l’adoption de technologies, parmi lesquelles l’utilisation de variétés résistantes à la chaleur et à la sécheresse, de variétés efficaces sur le plan de l’utilisation de l’azote, et l’agriculture sans labour pourraient contrecarrer les effets du changement climatique sur les rendements agricoles.
La capacité des agriculteurs à adopter de nouvelles variétés et de nouvelles technologies est limitée par des obstacles tels que le manque d’accès à l’information et au financement. Des investissements dans la recherche et la technologie et dans l’infrastructure de marché sont nécessaires pour faciliter l’adoption de technologies intelligentes face au climat. Les simulations de l’IFPRI jusqu’en 2030 suggèrent que des investissements globaux dans la recherche et le développement agricoles, dans la gestion des ressources en eau et dans les infrastructures pourraient plus que compenser les effets du changement climatique sur les rendements agricoles en Afrique.
Le chapitre 3 de l’ ATOR examine en profondeur les impacts probables de l’adoption généralisée de pratiques agricoles intelligentes face au climat sur l’agriculture africaine. Les auteurs constatent que l’utilisation des pratiques d’agriculture intelligente face au climat dans la culture du blé, du maïs et du riz a un grand potentiel pour contrecarrer les effets négatifs du changement climatique sur les rendements agricoles en Afrique subsaharienne et peut aider à améliorer la fertilité des sols. Cependant, il semble qu’il y ait des compromis à trouver entre l’augmentation des rendements des cultures et la réduction des émissions de gaz à effet de serre associée à l’agriculture. Il est possible que l’agriculture intelligente face au climat améliore les rendements et réduise les émissions, mais il faudra probablement encourager significativement la réduction des émissions afin de s’assurer que ces objectifs soient tous atteints.
D’autres chapitres de l’ATOR examinent les impacts de pratiques et d’outils particuliers de l’agriculture intelligente face au climat, discutent des facteurs qui influent sur son adoption et explorent des cadres politiques qui la lient à d’autres questions de développement. Parmi les autres projets de l’IFPRI pour mieux informer sur la lutte pour la sécurité alimentaire dans le contexte du changement climatique, on trouve les ReSAKSS country eAtlases, qui fournissent un outil en ligne pour visualiser des données nationales et régionales détaillées sur des indicateurs agricoles, climatiques et socioéconomiques pour les pays africains et l’Initiative sur le genre, le changement climatique et l’intégration de la nutrition, qui identifie les liens entre le genre, le climat et la nutrition pour accroître l’efficacité des stratégies dans chaque domaine.
Les responsables qui travaillent pour améliorer la sécurité alimentaire dans leurs pays font face à d’énormes défis et incertitudes associés au changement climatique. L’IFPRI continuera de travailler sur de nombreux fronts afin de leur fournir les éléments scientifiques dont ils ont besoin pour concevoir des stratégies efficaces d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets. En nous appuyant sur les connaissances et sur les faits scientifiques les plus récents, nous pouvons poursuivre, voire accélérer, les progrès vers la disparition de la faim, malgré la menace du changement climatique.