Combler l’écart entre les genres en science et technologie

November 27, 2019

Éliane Ubalijoro, Directrice Exécutive, C.L.E.A.R Développement International inc., et professeur associée à l’Université McGill, au Québec.
Je suis généticienne moléculaire et mère d’une fille de 13 ans. Ma mère enseignait les mathématiques avant de fonder une famille. Ma fille et moi avons toutes deux bénéficié d’encouragements au début de notre vie de la part de parents qui croyaient en l’importance de l’exposition aux sciences et aux technologies, et qui reconnaissaient la possibilité de devenir une scientifique professionnelle. Combler la sous-représentation des femmes en science et en technologie nécessite un soutien à la maison, à l’école, au travail et de la part de l’État.
“Un état qui n’éduque pas et ne forme pas les femmes est comme un homme qui n’entraînerait que son bras droit.”, a écrit le Norvégien Jostein Gaarder dans Le Monde de Sophie.
Donner un accès égal aux femmes et aux hommes aux opportunités en science et en technologie signifie amener plus de membres de la moitié négligée de la population mondiale à innover pour le bien de tous. Lorsque les femmes sont absentes des lieux où se produisent les innovations, leurs expériences, leurs défis et leurs rêves risquent d’être absents dès la conception de la recherche, ainsi que des produits et des services qui leur importent le plus. Selon l’homme d’affaires chinois Jack Ma, dans une allocution prononcée au dernier Forum économique mondial : “Si vous voulez que votre entreprise réussisse, si vous voulez que votre entreprise fonctionne avec sagesse, avec de l’attention aux autres, alors les femmes sont les meilleures.”
Dans notre monde instable, incertain et complexe, nous avons plus que jamais besoin de la participation des femmes. Nous avons besoin d’une gouvernance éthique, créative et empathique, capable de créer pour tous des espaces où nous puissions échouer, apprendre et aller de l’avant plus sages et plus résilients lorsque nous travaillons, découvrons, mettons au point et commercialisons des services et des produits essentiels à la croissance durable de l’Afrique pour le XXIe siècle. Nous devons supprimer l’adjectif “négligées” accolé aux maladies tropicales, afin que des médicaments soient accessibles à une population en croissance, au sein de laquelle se produiront la moitié des naissances attendues sur la planète d’ici 2050.
L’autonomisation des filles grâce à l’éducation en Afrique “pourrait avoir pour résultat, d’ici à 2100, 1,8 milliard de personnes de moins que prévu par la variation médiane des Nations-Unies”, selon Homi Kharas, de la Brookings Institution, aux Etats-Unis. Cela diminuerait la pression sur les ressources de la planète et réduirait significativement les émissions de carbone. “Aux États-Unis, par exemple, les émissions de carbone d’une seule personne représentent environ 20 fois les réductions que chacun d’entre nous pourrait espérer atteindre en étant plus conscient de son empreinte carbone, en passant aux voitures électriques et en utilisant des ampoules LED”, poursuit-il. Les émissions de carbone par habitant de l’Afrique en 2008 représentaient 6,6% de celles de l’Amérique du Nord.
Comme une classe moyenne forte et dynamique se développe en Afrique, il est aussi important de s’assurer que le développement économique durable profite à tous et que la pression démographique ne fasse pas disparaître les améliorations des conditions de vie obtenues grâce à des saut technologique et à l’utilisation d’innovations développées localement. Notre fragile écosystème écologique doit être préservé à mesure que nous développons l’écosystème d’innovation du continent. Il faut promouvoir une économie régénératrice telle que l’économie circulaire. Selon la fondation Ellen MacArthur, cela nécessite de concevoir des systèmes sans déchets et sans pollution, en utilisant les produits et les matériaux le plus longtemps possible, et en assurant une régénération continue des systèmes naturels. Cela nécessitera une gouvernance visionnaire, appuyée sur de solides économies de le connaissance soutenues par la science et la technologie.
L’Afrique possède 60% des terres arables non cultivées du monde et 26% de la biodiversité végétale mondiale. En outre, la part des femmes dans la main-d’œuvre agricole y est la plus élevée au monde. Les petits agriculteurs assurent 80% de la production alimentaire du continent. Exploiter durablement la capacité de production alimentaire de l’Afrique pourrait transformer les 35 milliards de dollars annuels d’importation de denrées alimentaires du continent en un revenu local significatif et une amélioration des conditions de vie. Relier les commerçantes du marché, qui dirigent le commerce dans les zones rurales et urbaines, aux outils technologiques et financiers qui répondent à leurs besoins est important pour favoriser les flux de biens et d’argent qui autonomisent les familles. Le Rapport 2016 sur le développement humain en Afrique indique que l’inégalité entre les genres coûte à l’Afrique subsaharienne environ 100 milliards de dollars par an.
L’innovation adaptée aux besoins des populations rurales et urbaines permet que l’accès à l’éducation, à l’énergie et aux opportunités économiques devienne un droit pour tous. La protection des forêts, des océans et de la faune en même temps que la production d’aliments sûrs et abordables, d’eau propre et de sources d’énergie durables nécessite des solutions innovantes. Respecter la planète tout en créant ces conditions propices à l’épanouissement de tous nos descendants exige que nous utilisions les sciences et les technologies pour traiter le changement climatique, la croissance économique soutenue par la pollution, l’appauvrissement de la biodiversité et la prolifération de maladies qui touchent encore des milliards de personnes.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a récemment cité le fait que “l’augmentation de la proportion de femmes occupant des postes de direction de 0% à 30% se traduit par une augmentation de 15% de la rentabilité”.
La gouvernance et les responsabilités scientifiques assumées de concert par les femmes et les hommes seront déterminants pour concevoir, piloter et étendre des économies circulaires africaines qui respectent l’environnement, atténuent le changement climatique, créent une prospérité économique interconnectée à l’échelle du continent qui favorise la paix et la libre circulation des personnes, des biens, de la faune et des connaissances. Combler le fossé pour les femmes en sciences et en technologie est essentiel pour faire de ces rêves non seulement une possibilité mais une certitude!