L’ouverture de l’antenne africaine de l’Institut de recherche contre les cancers digestifs (IRCAD) est prévue pour 2021 au Rwanda. Quel est l’objectif visé ?
Jacques Marescaux: L’objectif de l’ouverture de l’antenne africaine de l’IRCAD est double. D’un côté, nous souhaitons développer une équipe de recherche dans le domaine des nouvelles technologies appliquées à la chirurgie mini-invasive, comme la robotique, l’imagerie et l’intelligence artificielle (IA). Ensuite, nous voulons mettre sur pied un Centre de formation pour les chirurgiens du continent africain, toutes spécialités confondues, ce essentiellement dans le domaine de la chirurgie mini-invasive et de la chirurgie robotique.
Comment comptez-vous y parvenir?
J.M.: Tout comme pour les raisons qui nous ont incité à installer un centre de l’IRCAD au Rwanda, les moyens pour parvenir aux buts que nous nous sommes fixés sont là encore doubles. Premièrement, au niveau de la recherche, nous avons débuté depuis un an la mise sur pied d’une équipe commune entre le département de la Recherche et du Développement de l’IRCAD France et celui situé sur le continent. Ainsi, les chercheurs, les développeurs et les ingénieurs de l’IRCAD Afrique viennent dans notre bureau basé dans l’Hexagone durant un mois pour une formation intensive, puis retournent dans leur pays respectif où ils restent en connexion permanente, deux à trois fois par semaine avec, pour chacun d’entre eux, un «parrain chercheur» qui est à leur disposition pour toute question concernant le programme de recherche commun. Quant au volet lié à la formation, l’IRCAD Afrique bénéficiera, comme les autres Instituts miroirs à Taiwan, au Brésil, au Liban et bientôt en Chine et aux États-Unis, du réseau d’experts internationaux que nous avons établi depuis 25 ans. À cela s’ajouteront les meilleures compétences africaines en se fondant sur un partenariat avec les différentes sociétés savantes de chirurgie. En résumé, le concept de la formation à l’IRCAD est fondé sur la culture diverse et complémentaire de différents continents, ce qui permet un réel enrichissement scientifique.
Pourquoi est-il si important que l’Afrique se tourne vers la science et les mathématiques?
J.M.: L’Afrique se situe à un tournant majeur de son évolution qui la pousse à développer la science et les mathématiques, surtout dans le domaine de la santé. Comme le disait mon mentor, le Professeur Richard Satava, lequel m’a donné l’idée de créer l’IRCAD France en 1991, «la chirurgie est passée de l’ère industrielle à l’ère de l’information.» En effet, la chirurgie ne peut se développer que par les développements conjoints de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée, de la robotique et de l’intelligence artificielle. Toutes ces technologies font appel aux mathématiques.
De quelle manière ces dernières peuvent-ils favoriser l’émergence du continent?
J.M.: La volonté des pays africains à faire partie du monde numérique est affichée par plusieurs dirigeants, notamment le Président de la République du Rwanda, Son Excellence Paul Kagamé. La compétition dans ce domaine est liée à une richesse qui appartient à l’Afrique, autant qu’autres pays, à savoir l’intelligence humaine.
L’Afrique possède-t-elle aujourd’hui les moyens pour devenir un acteur majeur dans le domaine de la recherche?
J.M.: L’Afrique possède en effet tous les moyens pour devenir un acteur clé dans le domaine de la recherche. D’abord, parce que l’investissement dans l’équipement est mineur par rapport à l’investissement en intelligence. Les organisations comme l’Institut africain des sciences mathématiques (AIMS) ou la «Carnegie Mellon University» sont les exemples d’Institutions prestigieuses qui visent à attirer et former les meilleurs étudiants issus des quatre coins du continent.
Des plateformes telles que les Rassemblements internationaux et les réseaux d’AIMS peuvent-elles contribuer à ce que la science africaine puisse jouer pleinement son rôle sur la scène mondiale?
J.M.: Les initiatives panafricaines telles qu’AIMS et le Rassemblements internationaux du NEF sont des éléments clefs pour attirer la jeunesse africaine à s’intéresser aux sciences mathématiques et à découvrir les applications fantastiques qui peuvent en découler, notamment dans le domaine de la santé. Le développement d’algorithmes peut conduire à sauver des vies, ce qui représente une motivation unique pour convaincre la jeune génération.